Petit envoi épistolaire retranscrit d'après la nouvelle chronique de Guy CARLIER sur France Inter, "Lettre à...", pour ceux qui n'auraient pas eu la chance d'écouter ce petit moment d'humour, mais peut-on seulement employer ce terme ?
Sans commentaire.
Cher Monsieur Desmarets,
Je voudrais vous raconter une publicité télévisée.
On y voit une jeune fille qui pleure dans sa voiture, elle est malheureuse mais l'histoire ne dit pas pourquoi, on lui imagine un amour enfui ou peut-être la trahison d'une amie, ou bien toutes ces petites choses de la vie qui peuvent nous donner envie de pleurer, peut-être qu'elle vient de voir Giscard à la télévision annoncer qu'il n'excluait pas d'être candidat à la présidentielle, ou peut-être tout simplement qu'elle vient d'entendre dans son auto-radio Madame Liane Foly hurler sa dernière chanson intitulée " être vrai ", une chanson qui nous dit qu'il faut être vrai, se montrer telle qu'on est, une chanson que Liane Foly a enregistré juste après sa 27ème opération de chirurgie esthétique...
Bref on ne sait pas pourquoi, mais la jeune fille est malheureuse au point qu'elle reste là, immobile dans sa voiture, à pleurer. Et puis, tout à coup, on voit un monsieur qui passe une raclette sur le pare brise juste au moment où la fille essuie ses larmes et on voit dans leurs regards que ce synchronisme les étonne et les émeut. Mais voici qu'à nouveau la fille pleure alors le monsieur, bien que le pare brise soit sec, repasse la raclette comme s'il essuyait symboliquement les larmes de la jeune fille, et ce geste de tendresse et de complicité la fait enfin sourire...
A cet instant, une voix off conclut en disant :
- Total, vous ne viendrez plus chez nous par hasard.
Hier soir au journal de TF1, on voyait une autre jeune fille qui pleurait et qui racontait qu'elle était sur la rocade à Toulouse lorsque l'explosion de vendredi dernier souffla sa voiture. Depuis, disait-elle, je n'arrête pas de pleurer. Elle ressemblait à la fille de la publicité, il y a avait juste une petite différence. son visage à elle, n'était qu'une plaie.
A cet instant, j'ai cru entendre une voix off qui disait :
- Total, vous viendrez chez nous même par hasard.
Cher Monsieur, Desmarets, vos publicitaires ont décidément plus de talent que vos services de sécurité. Ils n'ont pas le même budget non plus.
Dans le même journal télévisé, le préfet à dit que l'accident par négligence était sûr à 99%. Depuis vendredi, certains cyniques et corrompus à votre botte jouent sur le 1% restant pour faire un amalgame ignoble avec New York.
Mais ça n'a rien à voir, vous n'êtes pas un fou fanatique en turban, vous êtes un type en costume trois pièces qui planifiez la mort lors d'assemblées générales ou vous jouez votre place devant des actionnaires à qui vous montrez un compte d'exploitation sur un paper board faisant apparaître une diminution des coûts.
La voilà, la réalité, un paper board dans un conseil d'administration faisant apparaître une diminution des coûts. Et la petite dame qui pleure à Toulouse, il faudra bien l'indemniser, ça coûte cher. Non, ne vous inquiétez pas, c'est pas une charge d'exploitation, ça s'appelle une provision pour risques et c'est déductible de l'impôt sur les sociétés.
Jusqu'à présent Monsieur Desmarets, avec l'Erika, vous étiez un tueur de cormoran. Aujourd'hui vous avez des vies humaines sur la conscience.
Et ceux qui essuient les larmes des jeunes filles qui pleurent dans les voitures à Toulouse ne sont pas vos pompistes. Ce sont à chaque fois des hommes dignes et solidaires, les mêmes qui allaient passer leur dimanche à gratter des rochers et qui aujourd'hui apportent des couvertures à des toulousains sans fenêtres.
Alors, il vous reste le chantage à l'emploi. Si on vous embête vous allez vous installer à l'étranger. Et ça c'est imparable. Et vos employés qui m'écoutent en me maudissant le savent. Alors j'arrête...
En plus vous connaissez des terrains pas cher en Italie à Sévéso ou en Inde, à Bopal. Parce que :
- Chez Total, on n'installe pas ses usines par hasard...